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Edito : Accès forfaitaire illimité à Internet : nous n'avons plus le droit de perdre du temps

Les pays où les internautes peuvent accéder à Internet sans limitation de temps et ce pour un tarif forfaitaire modique font actuellement une percée spectaculaire. Par contre, les pays où les tarifs d'accès à Internet sont liés aux durées de connexion prennent un retard qui est de plus en plus préoccupant. Les pays du premier groupe (U.S.A., Grande-Bretagne, Pays scandinaves) ont constaté en juin dernier un taux de pénétration Internet, selon le Pan European Internet Monitor, allant de 35 à 50 %. Les pays du second groupe (France, Allemagne, Italie) sont nettement en arrière avec des taux de pénétration à Internet allant de 18 % à 24 %. Dans cette compétition, la France occupe l'avant-dernière place avec un taux de pénétration de 19 % seulement. Quelles sont les conséquences de ce retard ? Alors qu'en 1995, les pays des deux groupes comptaient moins de 20 sites web pour 1000 habitants, à la fin de 1999 les pays du premier groupe disposaient de quelque 110 sites web pour 1000 habitants alors que les pays du second groupe en avaient encore moins de 20. Cette distorsion entre les pays où les internautes peuvent accéder sans limitation de temps pour un tarif forfaitaire acceptable et les pays où les coûts sont liés à la durée est encore plus criante selon le rapport de L'Internet@europe-growth quand on analyse les temps de connexion à Internet. Dans les pays du premier groupe, le temps moyen de connexion est de 25 heures par mois alors qu'il n'est que de 7 heures dans les pays du second groupe. Cette différence dans les temps de connexion a une conséquence directe sur le volume d'achat en ligne puisque dans les pays du premier groupe ces achats ont atteint en 1999 quelque 289 Euros (1895 Francs) par habitant alors qu'ils n'ont pas dépassé 48 Euros (315 Francs) par habitant dans les pays du second groupe. Cette faiblesse des achats en ligne dans les pays du second groupe explique certainement, en partie, les difficultés de décollage du e-commerce en France et nous permet de mieux comprendre pourquoi tant d'entreprises qui avaient beaucoup misé sur un développement rapide du commerce électronique sont actuellement en train de disparaître. Le lien entre la durée de connexion à Internet et le forfait illimité a été démontré aux Etats-Unis en 1996 quand la facture globale (coûts de connexion + rétribution du provider) payée par l'internaute a été forfaitisée. Le temps moyen de connexion par jour et par abonné a progressé de près de 80 % en quelques semaines en passant de 19 minutes à 34 minutes. Le même phénomène vient d'être constaté en Grande-Bretagne après l'introduction du forfait illimité. Devant un tel constat, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, les Pays-Bas après la Grande-Bretagne et le Portugal viennent de prendre la décision de permettre un accès illimité aux internautes pour un prix forfaitaire. De toute l'Europe, plus encore pourrais-je dire, de tout l'occident, un seul pays majeur tarde à prendre la décision qui s'impose : la France. Je comprends fort bien que notre opérateur national renâcle pour accepter de tels forfaits illimités pour l'accès à Internet puisque la durée de connexion a toujours été l'élément fondamental sur lequel s'est appuyé son chiffre d'affaires. Depuis le début de la révolution Internet, souvent avec la connivence du pouvoir politique, France Télécom a su, avec habilité, traîner des pieds pour retarder l'implantation ou le développement de ses concurrents, que ce soit dans la mise à disposition de capacités, dans la connexion de ces nouveaux opérateurs à son propre réseau, dans l'ouverture des réseaux câblés à l'Internet Protocol ou même, plus récemment, dans le développement de l'ADSL. France Télécom a même la capacité d'exercer un lobbying assez puissant pour faire voter par l'Assemblée nationale un amendement sur les fibres noires qui aura eu (nous le mesurerons dans quelques années) des conséquences graves sur le déploiement des larges débits dans notre Pays. Je ne mésestime pas les conséquences que pourra avoir cet accès illimité à Internet à un prix forfaitaire pour l'économie de France Télécom. Ces conséquences seront d'autant plus sensibles pour notre opérateur national que cet accès illimité à Internet, marié avec l'émergence d'une nouvelle ergonomie de nos outils informatiques qui utiliseront « naturellement » la reconnaissance de la parole, va accélérer le déploiement du téléphone vocal sur IP. Mais, malgré les douleurs que peut provoquer une telle décision, il faut que les managers de France Télécom, les responsables politiques et les autorités de régulation acceptent sans retard de mettre en place en France cet accès illimité à Internet pour un prix forfaitaire. Cela aurait même du panache que le premier fournisseur d'accès à Internet à proposer, sur une large échelle, cet accès illimité forfaitaire soit Wanadoo qui est le bras séculier de France Télécom sur la Toile. S'il y a urgence à prendre une telle décision, c'est que la France accuse un réel retard pour entrer dans la nouvelle économie et que celui-ci pourrait se creuser bien plus encore si nous ne facilitons pas l'accès des Français à Internet grâce à un accès illimité forfaitaire, alors que tous nos pays voisins, qui sont aussi nos principaux concurrents, viennent de le décider. A moyen terme, ce sont des dizaines de milliers d'emplois qui sont en jeu et, plus encore, c'est de la place de la France dans le monde de demain dont nous parlons. Aussi, sachons prendre sans retard cette décision même si elle peut être douloureuse. Nous ne pouvons plus perdre de temps.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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