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Edito : Accélérer la décarbonation de l'économie mondiale devient une question de survie pour notre espèce...

CAMPAGNE de DONS :

Pour la première fois il y a un risque important que nous ne parvenions pas à notre objectif de 15.000 € avant la fin de l’année.

Total des dons reçus depuis le début de la campagne : 6.462,00 €  = 71,25 % (Niveau atteint en pourcentage)

Objectif qui aurait dû être atteint en cette sixième semaine de la campagne de dons : 9.070,00 €

La situation est encore plus inquiétante que la semaine dernière. Notre association ADIST qui gère RT Flash n’a reçu que 340 euros.

La situation est préoccupante car, sans un véritable rebond, nous ne pourrions pas atteindre l’objectif qui permettrait à RT Flash d’être mis en ligne chaque semaine comme il l’est depuis 1998 (L’objectif à atteindre est 15.000,00 € fin décembre. Il est nécessaire qu’il soit atteint dans les 5 prochaines semaines, soit 1.708,00 € par semaine) pour que RT Flash continue à être mis en ligne chaque semaine, en 2025, comme il l’est depuis 1998.

Merci de faire un don via Hello Asso en cliquant sur le lien suivant : https://www.helloasso.com/associations/adist/formulaires/10

Editorial :

Accélérer la décarbonation de l'économie mondiale devient une question de survie pour notre espèce...

Il y a quelques jours, l'ONU a confirmé ce que nous savions déjà : sans efforts supplémentaires de réduction mondiale des émissions de GES, nous allons inexorablement vers un emballement incontrôlable du climat mondial d'ici la fin du siècle, avec son cortège d'événements catastrophiques et de conséquences humaines, sociales et économiques désastreuses. Nous pouvons déjà en voir les conséquences catastrophiques avec une accélération dans notre pays, en fréquence et en intensité, des événements extrêmes, canicules, sécheresse, tornades ou récemment inondations dévastatrices. Ces travaux de l'ONU soulignent que, même si les engagements nationaux étaient bien mis en œuvre aujourd’hui, ils ne réduiraient que de 10 % le total d’émissions à horizon 2030. Le réchauffement climatique serait alors de 2,6°C au cours du siècle et de nombreuses régions du monde deviendraient inhabitables (Voir UN environment programme). Quant au coût financier, il serait tout simplement gigantesque, de l'ordre de 19 % du produit mondial brut en 2050, soit six fois le montant nécessaire pour limiter le réchauffement à 2°C, comme le montre une étude récente du prestigieux Institut de recherche sur l’impact climatique (PIK) de Potsdam (Voir PIK). Une récente étude publiée par Adrian Bilal et Diego Känzig, deux économistes de Harvard et Northwestern, va dans le même sens et montre que chaque degré de réchauffement climatique supplémentaire entraînera une diminution bien plus importante que prévue, de l'ordre de 12 % du PIB mondial, au bout de six ans (Voir Ideas).

Et nous ne devrions pas trop compter sur la nature et les puits naturels de carbone que constituent les forêts pour amortir le choc climatique. Une récente étude de l'ONU souligne qu'il faudrait multiplier par 8, compte tenu de la capacité réelle de stockage des forêts, le couvert forestier pour absorber nos émissions de GES. Cela représenterait 31 milliards d’hectares supplémentaires, soit le double de la surface émergée des continents. Une autre étude internationale montre que la quantité de CO2 absorbée par les forêts et les sols s’est effondrée en 2023. En valeur nette, ils n’ont stocké qu'environ 2 milliards de tonnes en 2022 (à peine 5 % des émissions de CO2), contre 7,3 milliards de tonnes en moyenne sur la dernière décennie Voir (PNAS). L'étude souligne que le réchauffement climatique agit à la manière d'un cercle vicieux : il contribue à rendre moins efficaces les processus naturels de stockage, ce qui, en retour, augmente le réchauffement… En cybernétique, ça s'appelle une "boucle de rétroaction positive" et c'est ce qui fait que le rythme du réchauffement va en s'accélérant.

Le puits de carbone océanique s'est, quant à lui, maintenu autour de 9 milliards de tonnes mais a tout de même régressé sur le long terme. Une étude internationale ayant fait grand bruit en 2007 (Voir PNAS) a notamment montré que, depuis 1959, les puits de carbone océaniques s'affaiblissent lentement mais sûrement. L'étude souligne que si cette capacité de stockage du carbone par les océans continue à diminuer au même rythme, ce n'est plus la moitié mais seulement le quart des émissions qui seraient absorbées à la fin du siècle. Cet affaiblissement tendanciel mondial des capacités d'absorption du carbone par les forêts et les océans est très préoccupante, surtout quand on sait que l’année 2023 est la plus chaude jamais enregistrée et que les émissions de GES ont atteint les 57 gigatonnes, dont 37,4 milliards de tonnes pour le CO2, soit une hausse de 55 % en seulement 20 ans...

Une vaste étude publiée par Nature le 9 octobre montre bien que, même si on parvient à réduire massivement nos émissions de CO2 et à contenir à 1,5 degré le réchauffement, le climat mondial ne reviendra jamais à son état antérieur, car son évolution est irréversible (Voir Nature). Quant aux solutions techniques qui prétendent extraire directement le CO2 excédentaire de l'atmosphère, il est peu probable, quelles que soient les avancées technologiques réalisées, qu'elles puissent permettre de contribuer de manière décisive au stockage du CO2 excédentaire, surtout, comme le rappelle le climatologue Philippe Ciais, qu'il faudrait extraire 1000 gigatonnes de CO2 d'ici 2050 pour avoir une chance de stabiliser le climat.

Une autre mauvaise nouvelle, pas assez évoquée, est l'affaiblissement bien plus rapide que prévu de l’AMOC ou Atlantic Meridional Overturning Circulation (« circulation méridienne de retournement atlantique »), qui vient d'être prévue par une étude de l'Université de Miami (Voir UMiami). Selon ces travaux, le transport d'eau, vers les eaux de fond de l'Antarctique, a chuté de 12 % entre 2000 et 2020 en raison du réchauffement important de l'ouest de l'Antarctique. Ces recherches ont montré que cette circulation méridienne de retournement atlantique, ainsi que la circulation méridienne de retournement australe (SMOC), qui font partie de la circulation thermohaline, vont probablement ralentir de 42 % d'ici 2100. S'appuyant sur cette découverte, un groupe de 44 des plus éminents climatologues au monde a publié, il y a quelques semaines, une lettre ouverte révélant que le risque d'effondrement de ce courant océanique majeur a été gravement sous-estimé et demandant aux décideurs politiques des pays nordiques d'engager des actions urgentes contre l’effondrement imminent de la circulation méridionale de retournement atlantique (AMOC). Ces scientifiques soulignent qu'un tel effondrement, qui n'est plus exclu avant la fin du siècle, aurait des conséquences catastrophiques et irréversibles dans de nombreuses régions du monde, à commencer par l'Europe, qui devrait subir des hivers bien plus rigoureux, affectant les productions agricoles et alimentaires. Dans un tel scenario cauchemardesque, notre continent sera donc soumis à une double peine : d'une part, des étés caniculaires et des sécheresses à répétition, d'autre part, des hivers glaciaux qui seraient proches de ceux que connaissent nos amis Canadiens...

Le récent rapport de l'ONU, déjà évoqué, souligne que pour éviter de dépasser la limite de 1,5 degré fixée par l'accord de Paris, les États doivent collectivement s'engager à réduire de 42 % par rapport à 2019 leurs émissions annuelles de gaz à effet de serre d'ici 2030 et de 57 % d'ici 2035. Et même pour rester seulement dans la limite de 2 degrés de réchauffement, les émissions de CO2 doivent baisser de 28 % d'ici 2030. Or, ces émissions sont reparties à la hausse depuis 2022 et la sortie de la pandémie de Covid 19. Pour limiter à 2 degrés le réchauffement, l'ONU rappelle qu'il faut multiplier par 6 les investissements globaux en faveur de la transition énergétique et de la décarbonation de l'économie mondiale. Concrètement, cela signifie multiplier par 5 la puissance éolienne installée et par 10 la puissance solaire mondiale d'ici 2050.

L'ONU comme l'AIE sont d'accord sur le fait que le recours massif aux énergies solaires et éoliennes élargies (sur terre et sur mer) offre un potentiel de réduction de 27 % des émissions de GES d’ici à 2030 et 38 % d’ici à 2035. Heureusement, la récente COP28 a décidé de tripler le rythme de déploiement des énergies renouvelables, ce qui constitue une nouvelle étape encourageante, bien qu'insuffisante, vers une décarbonation quasi-complète de l'économie mondiale d'ici 2050.

Quand on observe la répartition des émissions de gaz à effet de serre en 2023, on constate que c'est bien sur le secteur de l'énergie qu'il faut agir en priorité, car il représente plus du quart des émissions de CO2, avec 15,1 gigatonnes, suivi du bâtiment, avec 10 gigatonnes (16 %), des transports, avec 8,4 gigatonnes (15 %), puis de l'agriculture et l'industrie, avec chacun 6,5 gigatonnes (11 %). Et au sein de la production d'énergie, il faut bien comprendre que c'est la production d'électricité qui va le plus augmenter car, en raison d'une forte électrification de l'industrie et des transports, la part de l'électricité dans le mix énergétique mondial pourrait passer de 25 à 40 %, voire 50 % d'ici 2050. Dans ce contexte, il est essentiel d'aller plus vite vers la décarbonation complète de la production électrique qui reste encore aujourd'hui assurée pour les deux tiers par des énergies fossiles et fortement émettrices de CO2.

Parmi les ruptures technologiques en cours, deux d’entre elles sont susceptibles de nous permettre de décarboner complètement notre production mondiale d'électricité d'ici le milieu du siècle, d'une part, le solaire et l'éolien flottant, qui repoussent les contraintes spatiales de ce type d'énergie ; d'autre part, l'arrivée à maturité des nouvelles énergies marines pleines de promesses. Il y a quelques mois, un groupe international de chercheurs a calculé le potentiel du solaire flottant à travers le monde. Leurs résultats indiquent un potentiel de production de 9 434 Wh par an, répartis sur 114 555 réservoirs dans le monde dont 30 % de la surface seraient couverts. En ne couvrant que 20 % de la surface de ces plans d'eau, la production mondiale d’électricité serait encore de 7113 TWh par an, sur la base d'un rendement moyen réaliste de 18,6 %. Il est frappant de constater que le solaire flottant pourrait à lui seul assurer 17% de la consommation électrique mondiale prévue en 2050... (Voir Nature sustainability).

L'autre grande rupture technologique qui peut nous permettre d’accélérer la transition énergétique est l'éolien flottant, dont le potentiel mondial est considérable et a été estimé à au moins 10 000 TWH par an, en se basant sur des hypothèses prudentes. En France, selon l'Ifremer, ce potentiel économiquement et techniquement exploitable pour l'éolien flottant est estimé à au moins 155 GW. La France a pour l'instant un objectif de 45 GW d’éolien en mer à horizon 2050, soit une production de 151 TWh par an, de quoi assurer 23 % de la consommation électrique française prévue à cette échéance... Mais les récentes avancées en matière d'éolienne flottant pourraient nous permettre, si la volonté politique est au rendez vous, de doubler cet objectif. Sachant qu'en haute mer le facteur de charge des éoliennes monte à 40 %, nous pourrions donc produire 300 TWh par an à partir de l’éolien marin en 2050, soit près de la moitié de notre consommation d'électricité et l'équivalent de notre production nucléaire d'électricité en 2023.

Bien conscient de ce potentiel énergétique considérable, le constructeur chinois Dongfang Electric Corporation (DEC) a présenté, il y a quelques jours, une nouvelle éolienne marine géante d'une puissance sans égale de 26 MW. Et qui peut résister à des typhons. Le moyeu de cette éolienne se situe à 185 mètres de haut et le diamètre du rotor atteint 310 mètres... Chacune de ces éoliennes pourra produire au moins 100 millions de KWh par an, de quoi alimenter 20 000 foyers, chauffage compris. En théorie, il suffirait d'environ 100 000 de ces machines, implantées en haute mer pour bénéficier de vents plus puissants, pour produire le quart de la consommation électrique mondiale prévue en 2050.

Compte tenu des progrès techniques réalisés, les énergies marines pourraient, en se basant volontairement sur les estimations les plus prudentes, produire au moins 4500 TWH par an à l'horizon 2050, soit environ 10 % de la consommation électrique mondiale, ou encore dix fois la production électrique de la France. Notons que cette estimation ne prend pas en compte l'énergie thermique des mers, moins mature techniquement, et ne concerne que quatre énergies, l'énergie des vagues, l'énergie osmotique, l'énergie marémotrice et l'énergie des courants marins. En additionnant l'immense potentiel avéré du solaire et de l'éolien flottant avec celui des énergies marines et en supposant que la part du nucléaire et de l'hydroélectricité reste constante, il devient tout à fait possible de décarboner complètement la production mondiale d'électricité en 2050, qui devrait pourtant atteindre 46 000 TWH par an, contre 30 000 TWH aujourd'hui. Cela est d'autant plus vrai que depuis 2021, les deux tiers des nouvelles capacités de production d’énergie renouvelable ajoutée l’année dans le monde ont un coût de production inférieur à celui des nouvelles centrales à base de combustibles fossiles les moins chères.

Tout le problème c'est que pour les deux géants asiatiques en plein essor économique, la Chine et l'Inde (40 % des émissions mondiales), la question climatique est importante, mais pas prioritaire et ces pays feront toujours passer le développement économique et l'amélioration du niveau de vie de leurs habitants avant la lutte contre le changement climatique, même si, à long terme, ces objectifs se rejoignent. Si la Chine a les moyens propres suffisants pour mener à bien seule sa transition énergétique et promet la neutralité carbone pour 2065, il n'en va pas de même pour le continent africain et l'Inde qui représenteront, avec 4,2 milliards d'habitants, presque la moitié de la population mondiale en 2050. le seul moyen de convaincre l'Afrique et l'Inde (dont le potentiel solaire, éolien et hydraulique est gigantesque) d'accélérer leur décarbonation, c'est de développer sur le long terme des partenariats énergétiques gagnant-gagnant, reposant sur la production massive d'énergie décarbonée (solaire, éolien, hydraulique) dans ces pays émergents et sur l'acheminement et la vente du surplus de cette énergie propre (via des lignes à courant continu à faible perte) aux pays développés...Il faut également multiplier les projets comme « South2corridor », visant à relier les pays d’Afrique du Nord à l’Europe sur 3300 km . Le corridor « SoutH2 » devrait être pleinement opérationnel d'ici à 2030. Il sera capable de transporter jusqu’à quatre millions de tonnes d’hydrogène vert par an depuis les différents pays d’Afrique du Nord, couvrant 40 % de l’objectif de l’UE en matière d’importation d’hydrogène à horizon 2030.

Et nous pourrions aller bien plus loin dans cette coopération énergétique quand on sait que le seul continent africain dispose d'un immense potentiel énergétique solaire et hydraulique exploitable de 23 000 TWH par an (en prenant les estimations les plus prudentes). Sachant que la consommation électrique de l'Afrique devrait monter à 3000 TWH en 2050, la « réserve énergétique » nette de l'Afrique est d'au moins 20 000 TWH, de quoi permettre la production propre d'une grande partie des 700 millions de tonnes l'hydrogène vert dont le monde aura besoin au milieu du siècle, notamment pour décarboner les transports lourds et l'industrie et assurer le stockage de l'électricité. Il faut donc dès à présent penser et mettre en œuvre un vaste système mondial de production, de distribution et de stockage d'énergie propre qui soit en mesure de relever à la fois le défi économique et social lié au développement soutenable des pays en développement et le défi climatique et environnemental planétaire qui nous attend.

Enfin, je veux évoquer une récente et intéressante proposition formulée par l'économiste Christian De Perthuis, qui mérite débat et réflexion. Il propose une taxe mondiale sur le CO2 d’origine fossile redistribuée vers les pays pauvres, en soulignant qu'une telle taxe pourrait agir simultanément sur deux leviers essentiels. D'une part, elle incite les riches à réduire leurs émissions en exonérant les plus modestes dont les émissions sont inférieures au seuil d’imposition. D'autre part, la redistribution équitable de cette taxe permettrait aux plus fragiles de mieux s'adapter au changement climatique et de sortir plus facilement des énergies fossiles. Christian De Perthuis souligne qu'une telle taxe carbone mondiale, fixée à 50 euros par tonne de CO2 émise au-delà de la moyenne mondiale par habitant en Chine, aux Etats-Unis et dans l’Union européenne, permettrait de dégager 475 milliards d’euros par an, de quoi assurer les besoins de financement du dérèglement climatique des pays en développement, estimés par l'ONU à 365 milliards d’euros par an au cours de cette décennie. On le voit, relever le défi climatique mondial nécessitera d'agir en même temps, de manière très volontariste et coordonnée, sur tous les leviers à notre disposition, l'innovation technologique mais aussi la gouvernance économique, la régulation commerciale mondiale, la nature de fiscalité, sans oublier la participation citoyenne et le renouveau démocratique...

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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