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Edito : 2004, Odyssée de l'espace

Lundi 21 juin en Californie, des aventuriers américains ont parfaitement réussi le premier vol spatial privé suborbital de l'histoire. Après être monté au-delà de l'atmosphère, à plus de 100 Km d'altitude, l'engin spatial avec pilote SpaceShipOne est revenu sur Terre en planant avant de se poser dans le désert californien. Avec ce très beau succès humain et technique, ces Américains renouent avec l'esprit pionnier de leurs aïeux, réaffirment leur capacité d'innovation et ouvrent une nouvelle étape de la conquête de l'espace. Il suffisait d'entendre la conférence de presse très lyrique de Paul Allen, qui a financé ce projet, pour comprendre que l'exploration spatiale est entrée dans une nouvelle ère. Cet exploit vient à la suite d'une série impressionnante de décisions politiques, de découvertes scientifiques et d'innovations technologiques intervenues depuis le début de cette année dans le domaine spatial. En premier lieu, le Président américain a annoncé le 14 janvier 2004 une nouvelle étape de la conquête de l'espace avec une reprise de l'exploration lunaire dès 2008, des vols habités vers la Lune en 2014, une base lunaire permanente vers 2020 et une expédition habitée sur Mars à l'horizon 2030. Toujours en janvier 2004, une équipe d'ingénieurs du Jet Propulsion Laboratory (JPL) a testé avec succès un nouveau propulseur ionique dans le cadre du programme Prometheus de la NASA. Alimenté par du courant électrique, le moteur NEXIS (Nuclear Electric Xenon Ion System) a fonctionné pour la première fois à pleine puissance. A la différence des moteurs de fusées, les moteurs ioniques n'éjectent que des atomes ionisés de xénon mais au final, ils ont une efficacité 20 fois supérieure. Ces moteurs révolutionnaires tirent leur énergie d'un petit réacteur nucléaire. Cette propulsion ionique (appelé également plasmique), représente une vraie "rupture technologique" par rapport à la propulsion traditionnelle (chimique) et ouvre de nouvelles perspectives en matière de voyages spatiaux. En mars 2004, les extraordinaires découvertes scientifiques réalisées sur Mars, par les programmes d'exploration européens et américains en cours sont venues confirmer à quel point la conquête de la planète rouge constitue désormais à la fois un modèle, une source de découverte scientifique et un objectif politique exaltant et incontournable. On sait à présent avec certitude, grâce aux dernières observations et données transmises par le robot américain Opportunity et la sonde européenne Mars Express, que de l'eau en grande quantité a un jour coulé sur la planète Mars et que les conditions de la vie auraient pu y exister. L'autre découverte annoncée le 17 mars est européenne : l'eau sous forme de glace existe "en abondance" au pôle sud de Mars, ce qui prouve que les deux pôles sont pourvus d'une calotte glaciaire, et même des traces de méthane auraient été décelées selon une analyse des données recueillies par la sonde européenne Mars Express. Enfin, dernière découverte, révélée le 23 mars par Opportunity : il y a eu sur Mars de véritables mers salées. Enfin, l'essai réussi, le 8 mai 2004, du prototype de la future navette spatiale européenne, L'EADS Phoenix, constitue une nouvelle étape importante dans l'affirmation de la puissance spatiale européenne. Phoenix préfigure le futur système européen de transport réutilisable "Hopper" qui devrait être capable, à l'horizon 2020, d'emporter des charges de 7,5 tonnes à une distance de 130 Km. Nous voyons donc, en considérant cette succession d'événements, que la conquête de l'espace est entrée depuis le début de cette année dans une nouvelle étape caractérisée à la fois par un changement de dimension et de nature. A cet égard, la nouvelle stratégie américaine annoncée le 17 juin 2004 est révélatrice. Elle vise à ouvrir la conquête spatiale au secteur privé et à réorganiser en profondeur la Nasa, qui devrait se concentrer sur les vols habités, tandis que le secteur privé prendrait un rôle leader dans les lancements de satellites et les vols robotisés. Face à la volonté politique et à la puissance technologique américaines, l'Europe doit plus que jamais se donner les moyens de rester dans cette compétition scientifique, technique et industrielle absolument vitale pour notre avenir. A cet égard, il faut se féliciter de l'accord final sur la cohabitation des systèmes de navigation par satellites américain et européen GPS et Galileo qui va être signé samedi 26 juin à Dublin. Cet accord équilibré lève la menace d'un veto américain sur l'évolution future de Galileo et représente un incontestable succès technologique, industriel et politique pour l'Europe qui, dans ce domaine stratégique du GPS, fait désormais enfin jeu égal avec les Etats-Unis. Mais l'Europe, à présent élargie à 25 membres, devra faire preuve d'une volonté politique sans faille et mobiliser sur le long terme toutes ses compétences et tous ses moyens pour rester une grande puissance spatiale, non seulement face aux Etats-Unis mais demain face au Japon, à l'Inde et à la Chine, et prendre toute sa place dans cette extraordinaire aventure qui vient d'entrer dans une nouvelle dimension et va conduire l'homme, avant la fin de ce siècle, à quitter son berceau planétaire, pour aller vivre sur d'autres mondes.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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