Edito : L'Espace : Un défi exaltant pour l'Humanité
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Le président américain George W. Bush a annoncé le 14 janvier au siège de la NASA à Washington une nouvelle étape de la conquête de l'espace avec une reprise de l'exploration lunaire dès 2008, des vols habités vers la Lune en 2014, une base lunaire permanente vers 2020 et une expédition habitée sur Mars à l'horizon 2030. Parallèlement, les Etats-Unis se retireront de la station spatiale internationale en 2016 pour en laisser l'exploitation à l'Europe, la Russie et le Japon. "Il est temps pour l'Amérique de faire le pas suivant. Aujourd'hui, j'annonce un nouveau plan pour explorer l'espace et étendre la présence humaine à travers le système solaire", a déclaré M. Bush. "Nous construirons de nouveaux vaisseaux pour emmener l'homme dans l'espace, pour prendre à nouveau pied sur la Lune et se préparer à de nouveaux voyages dans les mondes au-delà du nôtre", a déclaré Bush devant la NASA, l'agence spatiale américaine. Justifiant l'objectif de vols habités vers la Lune puis Mars, Bush a ajouté "Seuls les êtres humains sont capables de s'adapter aux incertitudes inévitables du voyage spatial". Nous ignorons où s'arrêtera ce périple", a-t-il poursuivi, en soulignant qu'il s'agissait d' "un voyage, pas une course", a ajouté le président américain, lançant un appel aux autres pays pour qu'ils se joignent à l'effort américain. "Notre objectif prioritaire est clairement une présence humaine permanente sur la Lune car elle permettra de développer les technologies et les compétences nécessaires à l'exploitation industrielle des immenses ressources de la Lune et constituera également le terrain d'entraînement et la base de départ idéale pour l'exploration humaine de Mars" a encore déclaré le président Bush. Pour réaliser cette nouvelle étape de la conquête spatiale, le Président Bush a promis un nouvel engin spatial "d'ici 2008, qui mènera sa première mission habitée au plus tard en 2014". "Le principal objectif de cet engin sera d'emporter des astronautes au-delà de notre orbite, vers d'autres mondes, a poursuivi le Président américain en qualifiant ce vaisseau de "premier du genre depuis le module Apollo". La NASA souligne pour sa part que, grâce à cette nouvelle étape de la conquête spatiale, les USA bénéficieront de retombées technologiques considérables dans des domaines stratégiques pour sa compétitivité, comme les télécoms, l'électronique ou les biotechnologies. En incluant cette relance de la conquête spatiale dans son programme électoral, à moins de dix mois de l'élection présidentielle, le président américain George W. Bush veut également donner à son action et à son programme électoral une dimension qui dépasse largement le champ d'action classique de la politique et sa propre durée de vie politique. On se rappelle, et le Président Bush s'en est manifestement souvenu, que le 25 mai 1961, le président John F. Kennedy avait lancé, devant le Congrès, le programme Apollo visant à envoyer des hommes sur la Lune dans un délai de dix ans. Quelques mois après les premiers pas sur la Lune en 1969, Werner von Braun et la NASA avaient tracé les grandes lignes de la conquête de l'espace pour les décennies à venir : une station spatiale en orbite autour de la Terre, plusieurs navettes spatiales réutilisables, une base lunaire permanente, un vaisseau à propulsion nucléaire pour effectuer la navette Terre-Lune et enfin une expédition habitée vers Mars au cours des années 80. Il est frappant de constater que George W. Bush relance la conquête spatiale en reprenant globalement les mêmes objectifs que ceux définis en 1969. Bush père avait, en 1989, déjà projeté de repartir sur la Lune et de lancer une mission vers Mars. Mais le Congrès avait refusé de financer les 400 milliards de dollars nécessaires. Mais le moins que l'on puise dire est que la relance de la conquête spatiale souhaitée par l'administration Bush ne sera pas un long fleuve tranquille. Pour réaliser cette nouvelle étape de l'exploration de notre système solaire, les États-Unis devront en effet pratiquement repartir de zéro pour retourner sur la Lune ou aller sur Mars. Les fusées et le matériel du programme Apollo ne sont en effet plus disponibles et ne seraient de toute façon plus adaptés aux impératifs du nouveau programme spatial américain. Pour les missions Apollo menées de 1969 à 1972, la NASA a construit des modules conçus pour atterrir une seule fois sur la Lune et y rester peu de temps. Le vaisseau-mère pouvait accueillir trois astronautes et le module d'atterrissage seulement deux. Les ressources en énergie étaient calculées au plus juste, ce qui a failli coûter la vie aux astronautes d'Apollo 13. Les vaisseaux Apollo étaient acheminés dans l'espace par des fusées Saturn V, les lanceurs les plus puissants jamais construits par les Américains. Après la fin du programme Apollo, l'équipement, les outils et les plans utilisés pour la construction des Saturn V ont été carrément perdus. Mais le nouveau programme lunaire américain pourrait de toute façon nécessiter des fusées encore plus grandes, selon les experts. Une mission prolongée sur la Lune, option qui aurait les faveurs de George W. Bush selon des sources proches du dossier, obligerait la NASA à concevoir un grand vaisseau-mère capable de transporter un certain nombre d'astronautes et un grand assortiment de provisions et d'équipements. L'agence spatiale américaine pourrait aussi être amenée à construire un atterrisseur pouvant transporter un équipage et du matériel entre la surface lunaire et un vaisseau-mère en orbite autour de l'astre. En outre, la création d'une colonie sur la Lune nécessiterait presque certainement l'utilisation d'un réacteur nucléaire pour fournir l'énergie requise. Pour Mars, tout ce qui est nécessaire pour un voyage sur la Lune devrait être multiplié. Selon des experts, une expédition habitée sur Mars prendrait au moins trois ans, dont une grande partie serait consacrée au voyage, la durée du séjour sur la planète étant limitée. Tout le carburant, l'eau et autres réserves nécessaires à la mission devraient être transportés par le vaisseau lui-même ou être acheminés par des engins spatiaux envoyés à l'avance. Les effectifs de l'équipage devraient être revus à la hausse pour parer aux risques de maladie ou de décès, qui seraient élevés dans une expédition aussi risquée. Après son arrivée à la tête de la NASA, Sean O'Keefe a jugé que la technologie d'Apollo n'était pas assez performante et qu'une nouvelle méthode de propulsion serait nécessaire pour les longs voyages spatiaux. L'agence spatiale américaine a testé un système de moteur ionique qui pourrait permettre de réduire la durée du voyage vers Mars de plusieurs mois. Certains experts ont laissé entendre que des appareils chargés de vivres et de matériel pourraient être envoyés sur la Lune ou sur Mars en prélude à l'envoi d'une mission habitée vers ces astres. Voyageant à bord d'un vaisseau-mère, l'équipage pourrait utiliser ces stocks une fois à destination. La NASA a déjà mené des études sur la création d'abris sur la Lune, de véhicules lunaires et de nouvelles combinaisons spatiales. Elle a également examiné la possibilité d'exploiter le sol lunaire pour en extraire du carburant pour moteurs de fusée et de l'oxygène. Selon les architectes du projet, l'utilisation de la Lune comme terrain de préparation en vue de partir à la conquête de Mars présente plusieurs avantages : son champ gravitationnel n'est que le sixième de celui de la Terre, et il faudrait ainsi moins d'énergie et d'argent pour lancer des vaisseaux depuis l'astre. La Lune est également proche de la Terre et donc facilement accessible -elle est située à trois jours de vol alors qu'il faut compter six mois pour atteindre Mars- et ses pôles pourraient contenir de l'eau gelée. Les astronautes pourraient mettre au point de nouvelles technologies et mener des exercices de simulation à la surface. "La Lune est le bon terrain d'essai et c'est là que nous devons aller", estime Don Nelson, un ingénieur à la retraite de la NASA, qui a connu les programmes Gemini, Apollo et les navettes spatiales. Il reste que cette relance de la conquête de l'espace suscite de nombreuses réserves et interrogations et pas seulement d'ordre technologique. Beaucoup d'observateurs et de médias s'inquiètent en effet de son coût... astronomique. Le New York Times se montre toutefois plutôt optimiste, en estimant que la Nasa pouvait réaliser le projet du président Bush sans augmentation importante de budget, grâce à l'abandon du programme des navettes et de la participation américaine dans la Station spatiale internationale. Le président Bush a demandé au Congrès de financer le développement d'un "véhicule d'exploration spatiale" pour remplacer en 2010 les trois navettes dont le maintien coûte aujourd'hui quelque 3,5 milliards de dollars par an. Par ailleurs, le président Bush devrait demander au Congrès une augmentation annuelle d'un milliard de dollars du budget de la Nasa, qui est actuellement de 15,5 milliards de dollars par an. Mais selon les premières estimations, le coût d'une mission habitée sur Mars pourrait en effet atteindre 1.000 milliards de dollars, à comparer aux 100 milliards de dollars constants du programme Apollo qui permit d'envoyer l'homme sur la Lune. Même en mobilisant toutes leurs ressources, on voit mal comment les États-Unis pourraient financer seuls un tel projet. Mais toutes ces interrogations et ces objections, si elles sont sérieuses et doivent être prises en considération, n'enlèvent rien au potentiel industriel, commercial et scientifique de la Lune et, à plus long terme de Mars. Le satellite naturel de la Terre pourrait être transformé en générateur géant, hébergeant des champs de panneaux solaires produisant de l'électricité envoyée vers la Terre à l'aide d'équipements similaires à ceux qui transmettent aujourd'hui des signaux radio à haute intensité, selon des experts. "D'ici à 2050, la Terre comptera 10 milliards d'habitants qui demanderont cinq fois l'énergie disponible aujourd'hui. D'ici là, l'énergie solaire de la Lune pourrait fournir à tous une source d'énergie propre et renouvelable", a expliqué David Criswell, professeur de physique à l'Université de Houston (Texas), lors d'une audition devant le Sénat américain en novembre dernier. Pour ce spécialiste de l'espace, auteur de trois ouvrages sur l'exploitation de la Lune, "aucune option terrestre ne peut fournir l'énergie" qui sera nécessaire dans 50 ans. Au-delà du seul domaine de l'énergie, il est certain qu'une relance de la conquête spatiale s'articulant sur une colonisation et une exploitation industrielle de la Lune, puis plus tard de Mars, aurait d'immenses retombées scientifiques et technologiques et médicales sur notre Terre. Mais le coût de ces projets est tel qu'il devra non seulement être étalé sur une très longue période mais également être réparti entre l'ensemble des grandes puissances économiques et scientifiques de la planète, États-Unis bien sûr, mais aussi Europe, Japon, Chine, Russie et demain Inde. A ces conditions, la relance de la conquête et de l'exploration de notre système solaire sera non seulement un extraordinaire moteur de coopération scientifique et politique entre nations mais aussi une source irremplaçable de progrès et d'innovations qui, in fine, bénéficieront à l'ensemble de l'Humanité. Faut-il rappeler, à cet égard, que le Kevlar et les fibres de carbone, présents dans nos avions, nos voitures et nos vélos, mais aussi les satellites de télécommunications et les fours à micro-ondes dans nos cuisines, sont quelques unes des nombreuses retombées que nous devons à l'industrie spatiale. La conquête de l'espace n'est donc pas une aventure inutile et coûteuse, comme on l'entend trop souvent. Même si elle recèle incontestablement une grande part de risque et d'incertitude, Il faut plutôt la considérer comme un investissement à très long terme pour toute l'Humanité. Enfin comment nier que cette conquête de l'espace reste une extraordinaire aventure humaine qui conduit l'homme à se dépasser, à donner le meilleur de lui-même, et contribue à rassembler des hommes de pays, de religions et de culture différentes, en leur donnant le sentiment profond d'appartenir à une même espèce humaine capable, comme l'a si bien écrit Rimbaud, d'aller "au bout de l'inconnu y chercher du nouveau".
René TRÉGOUËT
Sénateur du Rhône
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